Par Henri Gandois
Les tempêtes de l’hiver 2014 ont mis au jour de nombreux sites sur les côtes atlantiques avec une concentration particulière sur îles de la mer d’Iroise. Si plusieurs de ces sites ont disparu corps et biens sans autre intervention qu’une maigre documentation photographique, d’autres fort heureusement ont pu être fouillés au moins partiellement (Gandois et Quesnel, 2014 ; Gandois et al., 2015a et b). L’un de ceux-ci, situé sur l’estran sud de l’île de Kemenez était constitué d’un amas coquillier renfermant des restes humains en connexion partielle, un aménagement périphérique de petits trous de piquets a également pu être mis en évidence, malheureusement, la mer ayant détruit une partie importante du site, aucune vision d’ensemble n’était disponible (Gandois et al., 2015b).
La fouille de 2015 s’est attachée à documenter et prélever les restes humains qui apparaissaient en coupe avant qu’un nouveau coup de mer ne les fasse définitivement disparaître. Deux individus ont été identifiés, l’un d’eux n’étant représenté que par son atlas, le reste des ossements ayant été très probablement avalé par la mer, le deuxième lui étant en connexion partielle et son dépôt correspond a priori à une inhumation primaire (Chambon in Gandois et al., 2015b). Trois datations ont alors été réalisées, deux sur les restes de chaque individu et la dernière sur une graine, toutes renvoient à la fin du Bronze ancien et au Bronze moyen. Pour des raisons de temps la fouille 2015 n’a pas pu terminer la fouille intégrale de l’amas coquillier, la priorité ayant été donnée aux restes humains, il restait donc deux poches de coquillages en coupe dans les bermes nord et ouest. Une nouvelle intervention a donc été menée en novembre 2016 afin de terminer la fouille de l’amas. Or si les limites de l’amas ont vite été atteintes, en élargissant l’emprise du chantier l’équipe (*) a eu la surprise de mettre au jour une sépulture d’enfant juste en limite de l’amas (qui recouvrait partiellement les jambes du défunt).

Le corps est en connexion et en excellent état de conservation, chose particulièrement rare pour la Bretagne où l’acidité des sols détruit rapidement les restes osseux. Néanmoins ce n’est pas non plus exceptionnel notamment pour l’âge du Bronze (Tonnerre, 2015). La proximité avec l’amas coquillier dont le calcaire des coquilles contribue à remonter le pH du sol explique la préservation des ossements. L’enfant était placé dans une petite fosse circulaire d’environ un mètre de diamètre. Fléchi sur le côté gauche, il était disposé la tête à l’ouest, regardant vers le sud et les pieds à l’est. Aucun mobilier funéraire n’était associé, mais un ensemble de trous de piquets avec des pierres de calage était visible sur le pourtour de la fosse délimitant ainsi la sépulture.
Le corps a pu être daté par le radiocarbone, il remonte à la fin du Bronze ancien (1700/1610 Cal BC), néanmoins s’agissant d’un enfant insulaire peut-être non encore sevré, son régime alimentaire, via le lait de sa mère ou non, devait comporter une très forte proportion de ressources marines d’où un probable « effet réservoir » au niveau de la datation. Le d13C particulièrement élevé semble confirmer cette hypothèse.
Pour des raisons de temps et d’accessibilité à l’île la zone au nord-ouest de la fosse n’a pas pu être fouillée, mais la présence d’une grande dalle de chant laisse supposer qu’il puisse y avoir une autre sépulture adjacente, cependant l’éloignement avec l’amas coquillier se faisant plus grand, les chances de mettre au jour des restes osseux sont plus minces.
Les analyses sur le squelette ont à peine débuté, mais nous espérons qu’elles puissent être les plus complètes possible (ADN, strontium, parasitologie, etc.) car l’opportunité d’étudier un squelette de l’âge du Bronze très bien conservé en Bretagne n’est que trop rare. D’autres informations à suivre bientôt…
(*) Un grand merci à Marie Balasse, Cindy Odet-Kerhir et Yvon Dréano pour leur participation enthousiaste à l’opération
Bibliographie :
GANDOIS H. (dir.) et la collaboration de QUESNEL L. 2014. Rapport d’opération (fouilles archéologiques d’urgence en contexte d’estran) sur les îles de Kemenez et Trielen (Le Conquet, Finistère), opération n°OA-2435, DRASSM, 21 p.
GANDOIS H. (dir.), avec les contributions de BERRIO L., BLAISE E., DRÉANO Y., FONTANA L., IHUEL E., SALANOVA L., STÉPHAN P., et la collaboration de BEDAULT L., CHAMBON P., CUISNIER D., HACHEM L., LEDUC C., PILIOUGINE C., RAFFIN A. 2015a. Rapport d’opérations (fouilles archéologiques d’urgence en contexte d’estran) sur les îles de Kemenez, Béniguet et Trielen (Le Conquet, Finistère), opération n°OA-2463, DRASSM, 147 p.
GANDOIS H. (dir.), avec les contributions de CHAMBON P., DRÉANO Y., FAVREL Q., IHUEL E., MAIGROT Y., PETER P. et la collaboration de BEDAULT L., HACHEM L., LEDUC C. 2015b. Rapport préliminaire d’opération (fouilles archéologiques d’urgence en contexte d’estran) sur l’île de Kemenez et l’îlot du Ledenez Vraz Kemenez (Le Conquet, Finistère), opération n°OA-2643, DRASSM, 71 p.
TONNERRE L. 2015. Étude archéo-anthropologique des squelettes de l’âge du Bronze en Bretagne, Mémoire de Master 2, (dir. C. Marcigny), Université de Rennes 2, 2 vol., 186 p. et 579 p.