Par Jean-Marc Large
Le site protohistorique de la plage du Rocher, à Longeville-sur-Mer, se révèle depuis 1972 au hasard des vents et des courants marins qui balaient le sable de l’estran et dégagent sporadiquement des structures. L’ensemble connu à ce jour est attribuable à la fin de l’Âge du Bronze et au tout début de l’Âge du Fer. Toutefois, les périodes plus anciennes ne sont pas absentes puisque l’on connaît aussi des éléments du Néolithique ancien sur cette partie de la côte.
Quatre structures reconnues ont été découvertes et observées :
- un grand enclos quadrangulaire ;
- une structure ovalaire allongée à l’ouest de l’enclos ;
- une structure trapézoïdale en bois ;
- une fosse avec incinération.
1 – Un enclos avec dépôt funéraire
Le grand enclos quadrangulaire fut observé au cours de l’hiver 1972/1973 alors qu’une bande de sol ancien située sous le sable dunaire avait été dégagée par l’érosion. Deux levées de terre perpendiculaires à la ligne de rivage, distantes d’environ 28 m, étaient visibles. Une autre levée de terre semblait former le troisième côté d’un enclos de forme trapézoïdale ou rectangulaire dont le quatrième côté avait été érodé par les flots. L’absence de ce côté ne permet pas de savoir s ‘il existait une entrée pour accéder à l’ intérieur de l’aire ainsi aménagée. Les levées de terre avaient été effectuées en prélevant le matériau sur le pourtour de l’enclos . La tranchée d’extraction n’excédait pas 0,50 m de profondeur. Au nord, les hommes avaient entamé le substrat rocheux pour permettre une meilleure mise en place de l’enclos. Dans l’angle sud-est subsistait un foyer avec divers morceaux de bois calcinés qui supportaient quatre poteries juxtaposées et écrasées sur place. Deux contenaient des restes carbonisés humains. Les deux autres des ossements animaux (fig. 3, n° 1 à 3). Un autre foyer ovalaire était rempli de petites pierres calcaires. Il a livré quelques tessons et des restes de faune. L’étude des vestiges osseux dans les céramiques a montré la présence des restes d’un enfant d’environ 10 ans et d’un adulte. Alors que l’usage funéraire de l’enclos est incontestable, la position totalement excentrée de cette découverte peut faire penser qu’il s’agissait d’une utilisation secondaire.
2- Une fosse ovalaire
La seconde structure, située à environ 300 m à l’ouest de l’enclos quadrangulaire, était une fosse ovalaire très irrégulière longue de 2 m, large d’1 m et profonde de 0,35 m. Elle contenait deux vases, hauts de 60 centimètres, l’un écrasé sur place (fig. 3, n° 4), l’autre décapité.
3- Une structure en bois (fig. 3, n° 5)
La troisième structure fut découverte en février 1975 à environ 500 m à l’est de l’enclos. Il s’agissait du soubassemenl d’un édifice en bois qui s’était conservé dans le bri. La surface enclose, de forme trapézoïdale, mesurait 2,80 m de longueur pour 1,60 m et 2,20 m de large. Les parois avaient été élaborées avec des planches jointives, maintenues à la base par une poutre à l’intérieur et par des planches posées de chant à l’extérieur. Ces dernières étaient confortées par la présence de pierres, de tailles variables, disposées sur tout le périmètre de la construction. L’absence d’interruption, qui peut correspondre au soubassement de l’édifice, ne permet pas de savoir si un accès était aménagé. La faible dimension de cette construction et la présence à l’est d’une incinération laissent supposer une utilisation funéraire.
4- Une urne funéraire (fig. 3, n° 6)
En janvier 1984, à 3,50 m à l’est de la structure précédente, fut découverte une petite fosse circulaire contenant une incinération. La fosse avait été creusée dans le bri et dans le calcaire sous-jacent L’urne déposée à l’intérieur contenait des ossements et des charbons de bois issus du nettoyage du foyer funéraire. La fermeture de l’urne devait être effectuée avec une pierre plate, mode de couverture d’ un des vases précédemment découverts. Le contenu, étudié par Jean-Paul Cros, montre que tous les os, à l’exception de deux fragments, appartenaient à un jeune adulte.
5- Après la tempête Xynthia (nuit du 27 au 28 février 2010), le recul important de la dune sur cette section de côte a permis d’observer une bande d’une dizaine de mètres de large qui laissait apparaître différents vestiges. En premier lieu, une série linéaire de 24 poteaux témoignent de l’installation d’une palissade de ganivelles en bois, sans doute en rapport avec la limite dunaire que l’on observait dans les années 1970. Dans le prolongement ouest de cette ligne de poteaux, plantés dans un vieux sol périglaciaire limono-sableux, une levée de terre matérialise la limite sud de l’enclos observé en 1972-1973. La levée a une longueur d’environ 30 m, terminée à l’ouest par une dépression envahie par le sable et pouvant matérialiser l’emplacement de la fouille 1973. De l’autre côté de cet emplacement, il semble que la levée prenne une direction orthogonale vers le nord, glissant sous la dune. Sur son côté est, cette levée fait manifestement un retour vers le nord, là encore disparaissant sous la dune. Au sommet de la levée, dans son tiers est, les restes d’une céramique, une jatte, a pu être dégagée. Les tessons ont été retirés en raison de leur vulnérabilité aux flots mais aussi aux engins mécaniques qui viennent pour reconsolider la dune.
6– À ceci, s’ajoute la découverte d’objets isolés dont une lame de hache en bronze à ailerons subterminaux, découverte par un prospecteur avec un détecteur de métaux.
7– Lors d’une prospection récente, un grand placage d’argile fluvio-marine surmonté des restes épars de vestiges tourbeux était bien visible lors de la disparition du sable de la plage dans la partie est du site. Un fragment de bois a pu être daté au radiocarbone et a livré la date de 2326 ±40 soit l’intervalle 540-230 cal BC. Les installations humaines du premier Âge du fer étaient disposées en bordure d’un marais maritime sans doute protégé par un cordon dunaire.